Jour 21 du confinement planétaire généralisé, et quelque part pour nous rien n’a vraiment changé : nous passons juste un peu plus de temps encore sur nos écrans par rapport au mois passé, lorsque nous étions légalement libres de tous nos mouvements.
Pourtant tout a changé : il y a la réalité du temps figé du confinement, si éloigné du rythme habituel de nos vies accélérées. Il y a aussi, du fait de la gravité de l’épidémie, la volonté unanime des Etats et des sociétés, tous bords confondus, de réagir ensemble au mal qui frappe et de faire corps.
Réaction nécessaire du corps uni donc, mais à quel prix ? Sans préjuger de la suite, ces dernières semaines de crise ont fait gagner un temps précieux à certains réflexes que nous questionnons et combattons au quotidien, au premier rang desquels la restriction des libertés individuelles et la volonté farouche de perpétuer la marchandisation du monde et des rapports humains.
Concrètement cela s’est traduit, impératif sanitaire oblige, par la fermeture de tous les lieux de vie en communauté. C'est allé aussi de pair avec l’inéluctable explosion des activités en ligne (achats, divertissement, communication), avec les injonctions à s'équiper rapidement pour continuer à travailler ou suivre des cours pendant le confinement. Cet équipement rapide, comme toujours quand on parle d'outils technologiques et a fortiori de numérique pédagogique, a accentué les fractures et la réalité de l'exclusion entre les gens, entre ceux qui peuvent les utiliser et ceux qui ne le peuvent pas (voir ici l'article paru dans Le Monde le 04 avril 2020).
Refuge pour certains, choix forcé pour d’autres, le cocon numérique s’est imposé à tous comme condition de survie.
Pendant que nous baignons dans le cocon, les gouvernements se sont dotés d'instruments pour déroger aux règles du droit et de la démocratie. Profitant, à dessein ou pas, de l'effet de sidération et des limites des leviers régaliens habituels de l’action publique, ils ont avancé à coups d’ordonnance. Comme si, pour la première fois à cette échelle, l’épidémie permettait la rencontre de politiques de surveillance avec les désirs des citoyens (en tous cas d'après ceux qui vendront les applications qui nous permettront de circuler ). Union rêvée des corps civils et politiques, il fallait donc une épidémie pour y parvenir !