Surexposition aux écrans : que disent les candidats à l’élection présidentielle ?

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A 10 jours du premier tour des élections présidentielles, dressons un bilan des mesures proposées par les candidats à propos de la lutte contre la surexposition aux écrans et de la protection de notre attention.

Porter une réelle politique publique de prévention des risques liés à la surexposition aux écrans, préserver l’espace public des écrans publicitaires animés, garantir un droit à la déconnexion et débattre sur la place du numérique dans l’éducation sont autant de mesures portées par le Collectif Attention à l’attention des politiques en cette période électorale.

Comment se situent les différents candidats par rapport à ces propositions ?

Les constats sont alarmants : risques sanitaires graves aussi bien physiques que psychologiques, en particulier chez les plus jeunes (troubles cognitifs, retards d’apprentissage, obésité, manque de sommeil, exposition à des contenus violents, cyber-harcèlement, mal-être…) ; coût écologique dramatique des technologies numériques, notamment lié à l’extraction de ressources naturelles et à la consommation excessive d’énergie qu’elles nécessitent ; conséquences dangereuses des réseaux sociaux sur le débat démocratique à force de polarisation et d'hystérisation des échanges. Cependant, les politiques ne semblent pas considérer l’ampleur du problème, et continuent de promouvoir un numérique au service du « progrès » et de la « croissance verte » comme ultime solution à tous nos problèmes.

  • Yannick Jadot

Le programme de Yannick Jadot défend l’idée d’une « sobriété numérique » tout en promettant le dynamisme du secteur.

En terme d’éducation, il est question de pousser un « usage démocratique et sobre de l’outil numérique à l’école » en misant sur la transparence et l’éthique des algorithmes. L’éducation au numérique est au cœur de la politique de prévention des risques de la surexposition aux écrans. Plusieurs mesures sont proposées : l’introduction de l’apprentissage de l’utilisation des réseaux sociaux, l’interdiction des écrans à l’école avant 6 ans, un temps limité en fonction de l’âge au lycée, et la formation des enseignants et des parents sur les enjeux et risques liés aux écrans et au numérique.

Pour un espace public préservé des écrans, les écrans numériques publicitaires seront interdits et ceux en place progressivement retirés.

  • Jean-Luc Mélenchon

Le programme de Jean-Luc Mélenchon propose plusieurs mesures allant dans le sens de la protection de notre attention et de la protection des plus jeunes face aux réseaux sociaux.

En ce qui concerne le « droit à la déconnexion », le programme de Jean-Luc Mélenchon propose de « garantir le maintien de guichets et de formulaires papier malgré la dématérialisation des services publics et la transformation numérique des administrations »

Pour la protection de notre attention dans l’espace public, le candidat entend « faire reculer la publicité dans l’espace public » et « interdire les panneaux publicitaires numériques ».

En terme de protection des plus jeunes, il est proposé de recruter et former les enseignants sur les risques de l’usage des réseaux sociaux ; d’interdire les publicités à destination des enfants sur les plateformes ; et de renforcer les moyens de la justice pour lutter contre le cyber-harcèlement.

  • Fabien Roussel

Le programme de Fabien Roussel aborde le numérique principalement en lien avec la sécurité et la surveillance, le droit des travailleurs des plateformes et compte faire de la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyber-harcèlement une grande cause nationale. Pour cela, « une éducation au numérique sera proposée, afin d’éviter les dangers des réseaux sociaux, tout au long de la vie. Les plateformes numériques seront contraintes de coopérer avec la justice et de supprimer les contenus violents, haineux et discriminatoires ».  

  • Marine Le Pen

Le programme de Marine Le Pen traite la question du numérique surtout en termes de souveraineté et de cyber-sécurité, mais traite plusieurs points liés à la surexposition aux écrans :

Même s’il est proposé de « réduire la fracture numérique » en déployant le réseau, les formations et les actions de médiation partout sur le territoire, le programme mentionne l’importance de « maintenir des présences physiques de fonctionnaires ou agents des services publics, ou, à tout le moins, qu’un numéro de téléphone permette de les contacter ».

En ce qui concerne la protection de l’enfance, une proposition est consacrée à la prise en compte de « l’incidence des réseaux sociaux et de l’Internet sur les atteintes portées à l’innocence des enfants », et met en avant la mise en place de mesures pour « empêcher les mineurs de moins de quinze ans de posséder des comptes sur les réseaux sociaux ».

  • Nicolas Dupont-Aignan

Le programme de Nicolas Dupont-Aignan traite la question du numérique également en terme de souveraineté et propose de valoriser la recherche en France. En ce qui concerne l’éducation au numérique, le candidat estime qu’« il est inutile de saupoudrer un vague enseignement au numérique tout au long du primaire » et estime qu’il faut « limiter strictement l’usage du numérique » afin de « sanctuariser du digital » à l’école les disciplines telles que la lecture, l’écriture et le calcul. Cependant, la programmation informatique sera au cœur de l’apprentissage au collège et au lycée.

  • Valérie Pécresse

Le programme porté par Valérie Pécresse pose la question du numérique principalement en termes de souveraineté et entend déployer massivement le numérique sur tout le territoire. Dans le domaine de l’éducation, la candidate entend « intégrer le numérique » dans les écoles « en les protégeant des risques associés ». Plus précisément, sont prévues :

  • La formation d’« 1 million de talents numériques d’ici 2030».
  • L’intégration du codage dans les programmes scolaires dès la 6ème.
  • La création d’une École Nationale du Numérique.
  • La création d’une loi de protection de l’enfance face aux dangers du numérique (l’équivalent du « Children’s code » britannique) avec des mesures telles que : l’arrêt des notifications après 21h, le non-enchaînement automatique des vidéos, le développement d’un droit à l’effacement des données à la majorité.
  • Ouvrir la discussion sur la fin de l’anonymat sur les réseaux sociaux pour réduire les risques de cyber-harcèlement.
  • Nathalie Arthaud

Nathalie Arthaud, seule candidate à avoir répondu à notre sollicitation, soutient notre proposition concernant « l’obligation de maintenir des relations humaines et présentielles dans tous les services publics » et partage notre combat contre les outils numériques qui, « aux mains d’entreprises privées et intéressées, ne servent qu’à entretenir une société mercantile »

  • Anne Hidalgo

Le programme d’Anne Hidalgo entend œuvrer pour la sobriété numérique en misant sur la réparabilité et le reconditionnement des produits électroniques. En matière d’éducation, il promet une école portée par de « nouvelles pédagogies », comprenant l’apprentissage des nouveaux langages du numérique, autrement dit du code.

  • Jean Lassalle

Le programme de Jean Lassalle ne comporte que très peu de points concernant le numérique. En terme d'éducation, il est néanmoins proposé de "créer une nouvelle discipline pour maîtriser les outils numériques (et non plus les subir)" et en ce sens de créer un CAPES spécifique.

  • Philippe Poutou

Le programme de Philippe Poutou ne mentionne pas de mesures précises au sujet de la surexposition aux écrans et du déploiement du numérique à l'école ou ailleurs.

  • Emmanuel Macron

Le programme d’Emmanuel Macron mise sur le développement massif du numérique sur le territoire en investissant 30 milliards d’euros par an dans les start-up.

En matière d’éducation, il est question d’introduire l’apprentissage du code informatique et des usages du numérique dès la 5ème ; et de former 500 000 experts du numérique.

La protection des plus jeunes face aux dangers des écrans se limite à la mise en place d’un « contrôle parental des écrans des enfants systématiquement proposé à l’installation, afin de limiter leur accès aux réseaux sociaux ».

Le « droit à la déconnexion administrative » est oublié au détriment du déploiement de 20 000 « accompagnateurs » pour aider les français dans « la maîtrise des outils numériques et leurs démarches quotidiennes ».

  • Eric Zemmour

Le programme d’Eric Zemmour aborde le numérique principalement au travers de la question de la souveraineté. Plusieurs propositions vont dans le sens d’une massification des outils numérique dans tous les domaines. Il est proposé d’instaurer l’apprentissage de programmation informatique dès le secondaire ; du côté des démarches administratives, il est proposé d’ « accélérer la numérisation des services de l’État et la mise à disposition des données ».