Etude : « Age of first smartphone/tablet and mental wellbeing outcomes » de SapienLab, mai 2023

Synthèse par Victor Fersing

Photo by camilo jimenez on Unsplash

Sapien Lab est un organisme de recherche à but non lucratif fondé en 2016 aux Etats-Unis, dont les travaux portent sur la compréhension de l’impact de l’évolution de l’environnement et des technologies sur le fonctionnement du cerveau humain. En savoir plus. 

Une chute dans les abysses de la santé mentale, et un lien avec l'utilisation des écrans qui paraît évident : c’est ce qu'une étude menée par l'association Sapien Labs entre janvier et avril 2023 révèle de la santé mentale alarmante de la jeunesse à travers le globe.

28 000 jeunes de 18 à 24 ans, provenant de tous les continents, ont été interrogés sur leur bien-être.  Avec une question en filigrane : "à quel âge as-tu obtenu un smartphone ?" Résultat : plus les participants avaient reçu un smartphone tôt, plus ils allaient mal. Cognition, humeur, motivation, perception de soi-même, etc. Les pensées suicidaires constituent d'ailleurs le facteur le plus corrélé avec l'âge d'adoption d'un smartphone (voir image 2). L'étude, même si elle ne démontre pas un lien de cause à effet à 430 %, indique néanmoins un lien plus que net entre l'âge d'adoption d'un smartphone et la santé mentale. Les filles sont plus touchées par ces problèmes que les garçons.

« Parmi les femmes interrogées qui ont acquis leur premier smartphone à l'âge de 6 ans, 74 % avaient des "scores mental"qui indiquait"en détresse ou en difficulté". Ce chiffre est tombé à 61 % pour celles qui ont acquis leur premier smartphone à 10 ans, et 52 % pour celles qui ont acquis leur premier smartphone à 15 ans. Au total, même parmi celles qui ont acquis leur premier smartphone à 18 ans, 46 % étaient toujours en détresse mentale ou en difficulté. Ce pourcentage de détresse élevé se compare à moins de 14 % des personnes âgées de 45 ans et plus qui ont grandi et vécu une grande partie de leur vie d’adulte avant l’omniprésence d’Internet. »

Plus globalement, le déclin de la santé mentale des jeunes est brutal à partir des années 2010, coïncidant avec la démocratisation du smartphone, des caméras frontales génératrices de selfies, et d'application de partage comme Instagram permettant de gérer son avatar virtuel. Pour expliquer des phénomènes sociaux aussi brutaux, on peut également se poser la question suivante : qu'est-ce qui a fondamentalement changé dans nos vies depuis 15 ans ?

Une petite marche dans les rues de notre ville apportera sans doute un élément de réponse. Mais pourquoi les écrans constitueraient l'une des causes de cette crise de la santé mentale ? L'étude répond :

« Le comportement social est complexe ; cela implique de lire et de décoder les nuances de l'expression du visage, du langage corporel, l'intonation de la voix, le toucher et même les indices olfactifs pour déduire l'intention, établir une connexion et instaurer la confiance. Comme dans les sports d'équipe, tout cela s'apprend. En moyenne, plus un jeune obtient un smartphone tôt, plus il consacre un pourcentage important de sa vie à se développer dans un monde virtuel (...) Le monde virtuel élimine des modalités sensorielles importantes et essentielles des interactions sociales et ne peut constituer un substitut équivalent. Cela peut également générer un sentiment déformé de son monde social. »