Dans ses romans précédents, Caroline Solé décortiquait la psyché adolescente, mettant en scène des héroïnes tourmentées aux prises avec les faux semblants d'une société dans laquelle tout ce qui brille n'est clairement pas d'or. Pour son dernier ouvrage, elle collabore à nouveau avec l'illustratrice Gaya Wisniewski qui ponctue la narration de tableaux brossés en contrastes de noirs et de gris, collant à l'atmosphère anxiogène du roman, quand elle ne crayonne pas dans la marge à la manière d'une ado qui note en boucle des mots façon mantra, les raturant ou les surlignant ; les mots deviennent des codes, des messages secrets qui s'épanouissent en double sens ou se prolongent en signes selon la ponctuation fébrile d'Alex, la narratrice. Jeune fille de 16 ans brillante et mal dans sa peau, elle s'enferme à double tour dans le monde virtuel de ce jeu en réseau, Neb, qui siphonne des millions de joueurs avec ses shoots d'adrénaline, sa compétitivité nourrie à l'emoji et ses enjeux narcissiques poussés à leur paroxysme. Alex est une adolescente fragile, dont l'intelligence — ces "pouvoirs magiques" selon la formule de l'un de ses camarades de classe, gamer lui aussi — est toute entière tournée vers la réussite du jeu — l'offensive et la survie — pour qu'enfin on la remarque, qu'elle sorte d'un anonymat la protégeant comme une seconde peau trop collante, étouffante culpabilité d'être la survivante d'un accident de voiture qui a emporté sa mère en la laissant indemne. Quant à son père, archéologue-aventurier dans la vie réelle, il semble pourtant perdre la trace de sa fille unique dans le dédale numérique qu'elle suit, hypnotisée, jusqu'à perdre pied avec le réel et sa routine scolaire. Envoyée en Angleterre pour un stage forcé de déconnexion numérique alors qu'elle arrive au dernier stade du jeu, Alex y retrouve le Neb et ses derniers concurrents, découvrant l'envers du décor dans une aventure personnelle et palpitante qui, en bousculant les codes, crèvera l'écran et fera fleurir son monde intérieur.