Scarlett et Novak résonne comme le nom d'un couple ou d'un duo d'amis dont on va suivre les aventures visiblement futuristes au vu de la couverture et de la typographie. Dès le départ, Damasio nous leurre et joue avec le lecteur. Scarlett possède tous les attributs de l'héroïne : elle accompagne Novak dans sa fuite, cherche des solutions, trouve des informations et le prévient quand les deux garçons qui le poursuivent avec acharnement se rapprochent. Mais quand le drame s'installe, elle l'accueille comme une nouvelle configuration et déserte sans états d'âme son héros. Et pour cause, Scarlett est une IA, l'assistante vocale qui fabriquait une présence rassurante dans le quotidien solitaire de Novak ; elle organisait le vide et lui renvoyait un reflet dopaminé, alimentant son attachement bancal envers elle. Et puis survient le vol et sa brutalité ; la voilà qui s'évanouit lorsque des mains pirates s'approprient le "brightphone" de Novak. Et avec lui, disparaît l'épaisseur de sa vie, ses repères, son identité de citoyen, ses moyens de subsistance et de reconnaissance. Il erre dans la ville entre une place Zuckerberg et un square Bill Gates sans orientation ni mémoire. Il n'existe plus, et pourtant il respire, pense et surtout, panique.
Plus qu'un thriller pied au plancher, Scarlett et Novak est un brillant pamphlet sur la toute-puissance technologique et ses faux semblants relationnels. L'histoire s'achève sur un poème slam Une vie passée à caresser une vitre, résumant l'enfermement mortifère que cet objet d'à peine "dix centimètres par cinq" nous fait subir. Parce qu'on l'y invite.
"Tu surfes sur le vide,
l'iris éteint, rétine absente
Tout ce que tu touches n'a pas de poils, n'a pas de peau.
T'as 50 fenêtres ouvertes mais ton coeur se referme."
Dans sa lignée anticipatrice et engagée de romans à haute densité, l'auteur marseillais marque une pause et s'accorde un sprint anxiogène qu'il adresse aux jeunes lecteurs, comme pour ne pas les laisser sur le bord d'une route façon Mac Carthy. Il les embarque dans sa mise en garde édifiante : la course, l'agression, la mise à nu, la solitude, l'angoisse. En quelques lignes, le constat est sans appel : nous rentrons dans l'ère de la terreur et de l'asservissement. À bon entendeur.