Plus indirects, moins facilement perceptibles et pourtant tout aussi présents à l’étude de nos modes de vie sous emprise des écrans, ces effets participent d’une évolution générale de nos comportements, et donc de notre société.
Une réduction de notre « temps », et ainsi le développement d’une « société de l’accélération » exposée par Hartmut Rosa (Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive, La Découverte, 2012) qui contribue au stress et à « l’aliénation » généralisés. La productivité de notre temps n’a jamais été aussi élevée, et pourtant nous ressentons tous le manque croissant de temps et l’angoisse qui en découle. En permettant par exemple la superposition permanente des tâches, le smartphone accentue encore cette tendance (mises bout à bout, nos tâches quotidiennes représentent plus de 30 heures quotidiennes d’activité…).
Une baisse de l’empathie en raison de la réduction des « connexions humaines », qui nous déshabituent des émotions humaines « dans la vraie vie ». Sherry Turkle évalue cette baisse à 40%. Professeure au MIT, elle a étudié pendant trente ans l’impact des technologies sur les jeunes, et a démontré une baisse de 40% de l’empathie sur une cohorte d’étudiants américains, directement liée à la hausse des usages numériques. (Sherry Turkle, Seuls ensemble, L’Echappée, 2015).
Une convivialité abîmée dans les lieux comme les bars, restaurants, boîtes de nuits, où les gens se parlent moins à cause des smartphones. Plus largement, le lien social souffre du « recroquevillement » provoqué par le smartphone, qui enferme dans une bulle informative et physique. Ainsi l’on se coupe les uns des autres à l’heure où l’on a plus que jamais besoin de fraternité, d’attention aux autres plutôt que de repli.
Le bien-être des individus est mis à mal par l’usage intensif des réseaux sociaux, qui substituent aux relations humaines essentielles des relations virtuelles, et érodent l’estime de soi à force de comparaison permanente (on peut lire notamment les travaux de la chercheuse américaine Jean Twenge - lien externe). Selon elle, « le nombre d’adolescents américains qui voient un ami au moins une fois par jour a baissé, entre 2000 et 2015, de… 40% ». Les adolescents, notamment les jeunes filles, sont les plus vulnérables : une étude publiée en 2022 dans la revue Nature - lien externe, pointe du doigt les effets néfastes des réseaux sociaux sur leur bien-être.
En privilégiant sciemment les profits à la santé mentale et physique des utilisateurs, les plateformes ont également créé les conditions de la multiplication des cas de cyberharcèlement, indissociable du temps passé par les adolescents sur les réseaux dits "sociaux". Les smartphones ont envahi les cours de récréation et ce sont leurs règles qui président à la sociabilité des adolescents. Collégiens, lycéens, professeurs et personnels de l'éducation nationale : tous font l'expérience quotidienne des risques d'isolement, de haine en ligne et de détresse psychologique avec des conséquences parfois dramatiques.
En résumé, moins on passe de temps devant un écran, plus on a de chances d’être heureux, individuellement et socialement, et inversement.